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Catégorie : THEOSOPHIE
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Hermétisme

Hermétisme peut prendre trois sens différents[1]. Le mot désigne ainsi :

Pour garder un minimum de cohérence, on ne saurait parler d'hermétisme (au sens d'ésotérisme) sans certaines conditions : affirmation de l'autorité d'Hermès ou d'Hermès Trismégiste ou de Thoth, ésotérisme (secret), inscription dans un courant historique précis (celui du Corpus Hermeticum, pour l'essentiel), tendance philosophique précise (centrée sur l'Un-Tout, la divinisation de l'esprit, les correspondances, l'alchimie mystique). Sinon, on tiendra pour hermétiste Rimbaud, toute l'alchimie...

L'hermétisme est une philosophie, une religion, un ésotérisme, ou une spiritualité en quête du salut, par l'esprit (comme le gnosticisme) mais supposant la connaissance analogique du cosmos. Le salut passe par la connaissance : se connaître, se reconnaître comme "étant fait de vie et de lumière"[2], comme Dieu, en tant qu'intellect. Et cela constitue une contemplation, la vue du Bien, en sa "beauté impérissable, incompréhensible"[3].

Hermès Trismégiste

L'hermétisme se présente comme une révélation d'Hermès Trismégiste. Mais est-ce une révélation ? et qui est Hermès Trismégiste ?

Qui est Hermès Trismégiste (Ἑρμῆς ὁ Τρισμέγιστος) ? Hérodote (vers 420 av. J.-C.)[4] et la célèbre "pierre de Rosette" (196 av. J.-C.) signalent déjà l'identification entre le dieu égyptien Thoth et le dieu grec Hermès. Thoth, le dieu Ibis, est identifié à Hermès[5] car ils ont plusieurs points communs : ils conduisent les morts, ils ont inventé l'écriture, et diverses techniques, ils sont les scribes des dieux. Selon Cicéron, il y eut cinq Hermès, dont le dernier est appelé Thoth en Égypte[6]. La première mention du nom "Trismégiste" figure chez Philon de Byblos et Athénagoras, au IIe s[7].

"Le cinquième est adoré par les Phénéates [en Arcadie ?]. On dit qu'il tua Argos et que, pour cette raison, il s'enfuit d'Égypte. Il avait donné aux Égyptiens leurs lois et leur écriture. C'est celui que les Égyptiens appellent Thoth."

"Trismégiste" (Τρισμέγιστος) signifie "trois fois grand", donc très grand : Hermès l'extraordinaire ! C'est une traduction maladroite, en grec, de l’égyptien hiéroglyphique (ou démotique) "aâ aâ aâ ur" ("grand, grand, très grand") où la répétition exprime une sorte de superlatif. Le Trismégiste est présenté comme un grand Sage qui a vécu dans des temps très anciens et qui est proche des dieux. Son époque remonte avant Platon et même les Sept Sages, selon Lactance[8]. Dans le "trois fois grand", "Suidas reconnaît le signe de la Trinité, Bernard de Trévise (XVe s.) y décèle une allusion aux trois règnes (minéral, végétal, animal) ; dans un traité daté de 1736, publié sous le pseudonyme de Pyrophilius, on lit que ce nombre est une allusion aux trois principes (sel, soufre, mercure) [de Paracelse] ; le plus souvent, il est interprété comme signifiant 'grand philosophe, prêtre et roi'."[9]

Les Hermetica sont-ils une révélation ? Pour les Anciens, les gens du Moyen Âge et de la Renaissance, certainement. Mais, les doutes sont arrivés sur la divinité et l'antiquité de l'enseignement à partir d'un érudit huguenot, Isaac Casaubon. Celui-ci démontre en 1614 que le Corpus Hermeticum n'est pas antérieur au IIe ou IIIe s. : le Corpus mentionne Phidias (Ve s. av. J.-C.), il cite des auteurs tardifs, il a un style hellénistique[10]. Aujourd'hui, on lit aisément les influences du Timée de Platon, des stoïciens, du gnosticisme, de certains néoplatoniciens, et même du judaïsme.

Littérature de l'hermétisme gréco-égyptien

L'hermétisme gréco-égyptien s'appelle aussi bien "hermétisme alexandrin", "hermétisme égyptianisant", "hermétisme hellénistique", "hermétisme gréco-hellénique", "hermétisme antique". L'ensemble des textes reçoit le nom d' Hermetica, il comprend deux grands ensembles, bien distingués par André-Jean Festugière. Tous se donnent pour des révélations d'Hermès Trismégiste.

  1. Hermétisme populaire (ou technique). Un premier ensemble regroupe des textes occultistes, écrits dès le IIIe s. av. J-C., mis en circulation dès le Ier s. av. J.-C., traitant d'astrologie (IIIe-IIe s. av. J.-C.), d'alchimie (IIe-Ier s. av. J.-C.), de magie (IVe-VIIes.), de botanique magique, de médecine occulte. La doctrine sur laquelle repose cet ésotérisme est celle des correspondances et des antipathies ou sympathies (venue des stoïciens, et, vers 100 av. J.-C., de Bolos de Mendès). "On suspendait à un astre donné toute une hiérarchie d'êtres, depuis l'ange jusqu'au minéral, dont les propriétés étaient censées en rapport, en sympathie avec cet astre. le savant qui connaissait ces séries était évidemment le maître de la nature."[11]

  2. Hermétisme savant (ou philosophique). Un second ensemble regroupe des textes philosophiques, élaborés dès la fin du Ier s. Il regroupe le Corpus Hermeticum (en grec), l' Asclépius (en latin), les extraits hermétiques recueillis vers 490 par Stobée (dont le Korè Kosmou ou Pupille du monde) [1], des traités trouvés en 1945 en Haute-Égypte, à Nag Hammadi, dans une bibliothèque copte gnostique. Les historiens modernes ont montré que les auteurs hermétiques sont soit des Grecs égyptianisés soit des Égyptiens hellénisés, vivant sans doute à Alexandrie. Formaient-ils des confréries hermétiques ? oui, selon R. Reitzenstein et J. Geffcken, non selon W. Bousset et A.-J. Festugière[12].

La distinction n'est pas tranchée : on trouve dans les Hermetica philosophiques de l'astrologie (Stobée fragment VI ; Nag Hammadi 62), de l'alchimie (Corpus Hermeticum, V, 9 ; XII, 8 ; XIV, 10), de la magie (Nag Hammadi VI, 56).

Doctrine de l'hermétisme gréco-égyptien

L'hermétisme du Corpus Hermeticum est "un mélange de platonisme, de stoïcisme, et de quelques traces judaïques et persanes"[13] Après avoir opéré la distinction populaire/savant, Festugière[14]opère, après W. Bousset (1914), une autre division, cette fois à l'intérieur du seul hermétisme dit savant ou philosophique. La pensée religieuse de l'hermétisme philosophique "est dominée par deux tendances, qu'on peut dire une tendance optimiste et une tendance pessimiste."

  1. Hermétisme savant optimiste. "Dans la première [tendance], le monde est considéré comme beau : il est essentiellement un ordre (...). Un tel ordre suppose un Ordonnateur (...), en sorte que la vue du monde conduit naturellement à la connaissance et à l'adoration d'un Dieu démiurge du monde." "Courant optimiste : C.H. [Corpus Hermeticum] II, V, VI, VIII, IX-XII, XIV, XVI, l' Asclépius, certains morceaux de Stobée XXIII, XXVI."

  2. Hermétisme savant pessimiste. "Dans la seconde [tendance], le monde est considéré comme mauvais. Le désordre y domine (...). Le Dieu (...) ne peut être directement le créateur du monde (...), ce Dieu sera infiniment éloigné, infiniment au-dessus du monde. Il sera hypercosmique. Entre lui et le monde, on supposera toute une série d'intermédiaires (...). Il faudra fuir tout ce qui est matière." "Courant pessimiste : C.H. I, IV, VII, XIII, certains morceaux de l' Asclépius et le fond de Stobée XXIII (Korè Kosmou)."[15]

Les grands thèmes de l'hermétisme savant sont les suivants, selon Festugière. Il y a trois Vivants : Dieu, le monde et l'homme (son intellect) (Asclépius, 10). A) DIEU : existence et unicité de Dieu (C.H. XI 5-14), excellence de Dieu (C.H. II 14-16, VI), Dieu donne tout et ne reçoit rien parce qu'il n'a besoin de rien (C.H. II 16, V 10, VI 1, X 3), Dieu source de tout (C.H. XI 3), Dieu présent partout contient tout (C.H. XI 6, 20, XII 22-23), Dieu Un et Tout (C.H. XIII 17, XVI 3), Dieu éternellement actif (C.H. XI 13-14, XVI 19), Dieu créateur créant parce qu'il est bon (C.H. IV 1-2), Dieu cause seulement du bien (C.H. VI), Dieu non cause du mal (CH IV 8, XIV 7). Dieu est androgyne, "mâle-et-femelle". B) LE MONDE : sympathie, lien entre ciel et terre (Asclépius, Stobée XXIII ss.). C) L'INTELLECT (νους) : origine divine de l'intellect soit comme parcelle de l'Âme du Tout (C.H. X 7, 15) soit comme dérivée de la Vie et de la Lumière qui sont des éléments constituants de Dieu (C.H. I 17), intellect oeil de l'âme ou du coeur (C.H. IV 11, V 2, VII 1, X 4, 5, XIII 14, 18), pouvoir de la pensée (C.H. XI 19-20), existence de Dieu invisible prouvée par l'existence de l'âme invisible (C.H. V 2).

Extrait du Corpus Hermeticum, traité XII (D'Hermès Trismégiste : sur l'intellect commun, à Tat [fils corporel et spirituel d'Hermès]) :

"L'intellect (noûs νους), ô Tat, est tiré de la substance même de Dieu, s'il y a du moins quelque substance de Dieu (...). La grande maladie, c'est la négation de Dieu, puis l'opinion erronée, d'où découlent tous les maux (...). Tous les hommes sont soumis à la fatalité, à la naissance et au changement (...) mais les hommes en possession du verbe, dont nous avons dit qu'en eux l'intellect commande, ne les subissent pas de la même manière que les autres (...). Tout est un (...) : tu trouveras, mon enfant, qu'en réalité c'est sur toutes choses que domine l'intellect, c'est-à-dire le moi de Dieu, sur la fatalité (...). La parole aussi est une, elle se traduit de langue en langue, et l'on découvre alors qu'elle est la même en Égypte et en Perse comme en Grèce. (...) Dieu est tout (θεος παν έστι) ; et le Tout pénètre toutes choses et enveloppe toutes choses. Adore ce Verbe, mon enfant, et rends-lui un culte. Or il n'y a qu'un moyen de rendre culte à Dieu, c'est de ne pas être mauvais."

Initiation dans l'hermétisme gréco-égyptien

Certes, l'hermétisme gréco-égyptien est "littéraire", mais on devine des initiations. Il semble que les hermétistes alexandrins pratiquaient une religion plus mentale que rituelle, prônant la discipline de l'arcane (l'interdiction de révéler aux profanes), la contemplation, certains exercices extatiques. Comme le remarque Mircea Eliade, "nous avons affaire à un nouveau modèle de communication des sagesses ésotériques. À la différence des associations fermées comportant une organisation hiérarchique, des rites initiatiques et la révélation progressive d'une doctrine secrète, l'hermétisme, tout comme l'alchimie, implique uniquement un certain nombre de textes révélés, transmis et interprétés par un 'maître' à quelques disciples soigneusement préparés (c'est-à-dire rendus 'purs' par l'ascèse, la méditation et par certaines pratiques cultuelles)... Le texte sacré peut être oublié pendant des siècles, il suffit qu'il soit redécouvert par un lecteur compétent pour que son message redevienne intelligible et actuel."[16]

A partir d'une analyse du traité de Nag Hammadi sur l'Ogdoade et l'Ennéade (c'est-à-dire la huitième et la neuvième sphères célestes), plusieurs spécialistes concluent aujourd'hui à l'existence de rites et de communautés hermétiques dans les premiers siècles chrétiens[17]. Selon Jean-Pierre Mahé[18], l’initiation à l’Ogdoade et l’Ennéade n’est conférée qu’après un long parcours sur « la voie d’immortalité ». Les étapes de ce parcours sont : la gnose (éveil, prise de conscience, renoncement au mal et quête du Dieu suprême), le discours (étude des enseignements d’Hermès : les Définitions conservées en version arménienne, les Leçons générales et les Leçons détaillées), et l’intellect (exercices de contemplation silencieuse). De même que la quête hermétique du Dieu suprême n’implique pas l’abandon du polythéisme égyptien, la progression sur la voie d’immortalité s’accompagne de la pratique de l’astrologie (pour connaître le chemin de la remontée de l’âme) et de l’alchimie (pour apprendre à se transformer soi-même). L’existence d’objets aussi précieux que la carte hermétique du cosmos figurant sur les tablettes astrologiques de Grand (en ivoire et en or) rend improbable l’appellation d’hermétisme « populaire » attachée à ces exercices. Il faudrait plutôt y voir une littérature hermétique « pratique », en complément des textes hermétiques « philosophiques ».

Les autres hermétismes : l'hermésisme

Antoine Faivre a suggéré qu'à côté du mot "Hermétisme" (Hermetism en anglais), servant à désigner le corps de doctrines des Hermetica ainsi que leurs gloses et exégèses, on utilise le mot "hermésisme" (Hermeticism en anglais) pour désigner "un ensemble plus vaste de doctrines, de croyances et de pratiques, dont la nature s'est précisée à la Renaissance. Elles ne dépendent pas nécessairement de la tradition hermétique alexandrine, mais incluent aussi bien la Kabbale chrétienne, le rosicrucisme, la théosophie, le paracelsisme, et d'une façon générale la plupart des formes que revêt l'ésotérisme occidental moderne"[19].

Histoire de l'hermétisme

Vers 200 av. J.-C. l'historien juif Artapan assimile Thoth-Hermès à Moïse.

À partir du IIe s. av. J.-C. sont mis en circulation les premiers écrits alchimiques attribués à Hermès Trismégiste. Ainsi commence ce qu'on appelle "la tradition hermético-alchimique". Voici quelques titres : Isis la prophétesse à son fils Horus [4], La clef, Petite clef. L'alchimie se centre alors sur quatre choses : or, argent, pourpre (porphyre), pierres précieuses[20]. Zosime de Panopolis, le premier grand alchimiste (vers 300), utilise les Hermetica.

Le récit de Bolos de Mendès (100 av. Jésus-Christ selon R. Halleux) qui raconte comment il a découvert un livre d'Hermès Trismégiste dans une colonne enflammera les imaginations. Beaucoup d'auteurs diront qu'ils ont découvert un livre secret, soit hermétique soit alchimique, contenant des mystères révélés par Hermès Trismégiste. Bolos reçoit l'initiation d'Ostanès le Mage, vivant, mort ou fantôme. Diverses versions circulent, dont celle-ci :

"Alors que nous nous trouvions dans le temple, une petite colonne se brisa par hasard, dont nous constatâmes que l'intérieur était vide. Pourtant Ostanès affirma qu'en elle se trouvaient, précieusement conservés, les livres ancestraux, et il la fit voir en grande pompe à tout le monde. En nous penchant pour regarder à l'intérieur, nous eûmes la surprise de voir que nous avions laissé échapper quelque chose, car nous y découvrimes ce mot si utile [attribué à Ostanès] : 'La nature se plaît dans la nature, la nature triomphe de la nature, la nature domine la nature.' "[21]

Cicéron énumère les cinq Hermès.

Les textes hermétiques trouvés dans la Bibliothèque copte de Nag Hammadi, en Égypte, datent d'environ 350.

"C'est ici le livre du sage Bélinous [Apollonius de Tyane], qui possède l'art des talismans : voici ce que dit Bélinous. (...) Il y avait dans le lieu que j'habitais [Tyane] une statue de pierre, élevée sur une colonne de bois ; sur la colonne, on lisait ces mots : 'Je suis Hermès, à qui la science a été donnée...' Tandis que je dormais d'un sommeil inquiet et agité, occupé du sujet de ma peine, un vieillard dont la figure ressemblait à la mienne, se présenta devant moi et me dit : 'Lève-toi, Bélinous, et entre dans cette route souterrraine, elle te conduira à la science des secrets de la Création...' J'entrai dans ce souterrain. J'y vis un vieillard assis sur un trône d'or, et qui tenait d'une main une tablette d'émeraude... J'appris ce qui était écrit dans ce livre du Secret de la Création des êtres... [Table d'émeraude :] Vrai, vrai, indiscutable, certain, authentique ! Voici, le plus haut vient du plus bas, et le plus bas du plus haut ; une oeuvre des miracles par une chose unique..."

De nombreux théologiens ou philosophes citent Hermès Trismégiste : Lactance (vers 310 : Institutions divines), Augustin d'Hippone (en 415 : La cité de Dieu), Alain de Lille (vers 1200), Guillaume d'Auvergne (en 1228), Albert le Grand (en 1253 : De caelo), Roger Bacon (en 1267 : Opus majus). Quodvultdeus de Carthage rédige entre 437 et 439 le Tractatus adversus quinque haereses ; ce Traité contre cinq hérésies, selon Irène Caiazzo, "circule sous le nom d'Augustin au Moyen Âge, il proclame la compatibilité et l'accord entre les doctrines chrétiennes et l'enseignement d'Hermès exposé dans l' Asclépius, ce qui favorisa l'entrée d'Hermès, en tant que prophète païen de la révélation chrétienne, dans les bibliothèques médiévales, malgré la sévère condamnation de l' Asclépius lancée par Augustin dans le De civitate" Dei"[23]. Les alchimistes se recommandent fréquemment de Hermès ou de Hermès Trismégiste. Le traité hermético-alchimique des Sept chapitres attribués à Hermès Trismégiste (après 1250) commence ainsi :

"Dans les histoires des choses divines nous lisons qu'il y a eu trois grands personnages appelés Hermès. Le premier a été Énoch, d'avant le déluge, il fut transporté au Ciel, accompagné des Anges, dans un chariot de feu. Le deuxième a été Noé, qui se sauva au déluge dans l'Arche, par le commandement de Dieu : car l'un et l'autre a été appelé Hermès, et Mercure pour les distinguer de cet Hermès, qui régna en Égypte après le déluge. Ce troisième a été un excellent homme, qui, orné du bandeau Royal, a régné longtemps en Égypte, et fut appelé trois fois grand à cause de sa triple vertu, car on dit qu'il fut Roi des Philosophes et Prophète, lequel aussi on dit avoir été inventeur de toute discipline libérale et mécanique. Geber, Roi des Perses, l'appelle Prince, et Albert le Grand dit que ce fut Alexandre le Grand. On dit qu'en son sépulcre furent trouvés tous les métaux et minéraux du monde, écrit la Table Smaragdine (Table d'émeraude)."

« Parmi les philosophes, il [Hermès Trismégiste] fut le premier à se tourner des questions physiques et mathématiques vers la contemplation du divin, le premier à parler avec une grande sagesse de la majesté de Dieu, de l'ordre des démons, des vicissitudes des âmes. Et c'est à cause de cela qu'il fut appelé le premier théologien ; il fut suivi par Orphée, qui initia Aglaophème aux saintes vérités, et Pythagore succéda en théologie à Orphée, qui fut suivi par Philolaos, maître de notre Platon. C’est pourquoi il n’y eut qu’une seule, secte de la prisca theologia [théologie antique], toujours cohérente par rapport à elle-même, formée par six théologiens selon un ordre admirable, qui commence par Mercure [Hermès] et se termine par Platon. Quant à Mercure, il écrivit de nombreux livres concernant la connaissance des choses divines dans lesquelles apparaissent, dans le nom du Dieu immortel, des mystères et de stupéfiants oracles, et où il parle non seulement comme un philosophe mais souvent comme un prophète qui chante le futur. Ce fut lui qui prédit la fin de la prisca theologia, la naissance de la nouvelle foi, l'avènement du Christ, le jugement dernier, la résurrection de la chair, la gloire des saints, le supplice des pêcheurs." [24]

Frances Yates énumère les auteurs relevant de "l'hermétisme religieux au XVIe s[25]. : Lefèvre d'Etaples, Symphorien Champier, Turnebus, François de Foix de Candale, Jacques Gohorry, Pontus de Tyard, Philippe Du Plessis Mornay, Hannibal Rosseli, Francesco Patrizi, Giodano Bruno, Thomas More, John Colet. L'ouvrage de Ficin est traduit en français en 1574, avec commentaires, par François Foix de Candale sous le titre Le Pimandre de Mercure Trismégiste. L'hermétisme italien se développe avec Marsile Ficin, J. Pic de la Mirandole, G. Bruno, F. Patrizi (1591), H. Rosseli. En 1488 une mosaïque de Giovanni di Stefano, à la cathédrale de Sienne, représente Hermès Trismégiste face à Moïse et aux côtés de la Sibylle. L'hermétisme se fait français avec Lefèvre d'Étaples en 1494-1505, Symphorien Champion en 1507, Jacques Gohory, Du Plessis-Mornay en 1582. Le philosophe Francesco Patrizi demande au pape d'enseigner l'hermétismer dans les écoles chrétiennes (Nova de universis philosophia, 1591). Rodolphe II de Habsbourg, empereur de 1576 à 1612, fut surnommé "le nouvel Hermès Trismégiste", tant il était féru d'hermétisme, d'alchimie[26]. : il fit venir à sa cour, à Prague, John Dee, Michael Maier, Oswald Croll, Heinrich Khunrath, Giordano Bruno, il réunit des collections d'objets dans un but magique[27].

Sens ordinaire du mot "hermétisme"

Les ouvrages alchimiques utilisant un langage symbolique codé, compréhensible seulement par les adeptes, par extension, on qualifie d'hermétique un texte, une doctrine incompréhensible, indéchiffrable, inaccessible pour tous, à l'exception possible de quelques très rares initiés.

Ce sens est renforcé par le fait que les alchimistes utilisaient une technique particulière pour clore certains des vases et autres cornues qu'ils utilisaient lors de leurs expérimentations (coction, décoction, sublimation, etc.) qualifiée de « fermeture hermétique ». Derrière cette expression se dissimulerait un procédé qui consisterait pour certains à boucher le flacon à l'émeri pour d'autre à refermer le flacon sur lui-même en faisant fondre le verre, à moins que le terme ne voile une signification plus profonde.

D'où l'expression clore hermétiquement un bocal, etc.

Bibliographie

Textes de l'hermétisme gréco-égyptien populaire

(par ordre alphabétique)

Textes de l'hermétisme gréco-égyptien savant

Cet ensemble-là est donc traduit par le Révérend Père André-Jean Festugière, sous le titre : Hermès Trismégiste, Les Belles Lettres, "collection des universités de France" (Budé), 1945-1954, rééd. 1960, rééd., 2002 et 2003, 4 vol. Extraits : Hermès Trismégiste, Les trois révélations, Paris, Les Belles Lettres, "Aux sources de la tradition", 1998, 169 p.

Textes du Corpus Hermeticum en ligne, dans une traduction ancienne : [17] [18]

Textes relevant de l'hermétisme occidental

(par ordre chronologique)

Études sur l'hermétisme gréco-égyptien

(par ordre alphabétique)

Études sur l'hermésisme

(par ordre alphabétique)

Notes et références

  1.  Dictionnaire encyclopédique Larousse, édition 1998

  2.  Corpus Hermeticum, I (Poimandrès), 21 : t. I p. 14.

  3.  Corpus Hermeticum, X (D'Hermès Trismégiste : la clef), 5 : t. I p. 115.

  4.  Hérodote, II, 152.

  5.  A.-J. Festugière, La révélation d'Hermès Trismégiste, t. I, p. 67-88.

  6.  Cicéron, De la nature des dieux, III, 56.

  7.  Garth Fowden, Hermès l'Égyptien, Les Belles Lettres, 2000, p. 313. A. I. Baumgarten, The Phaenician history of Philo of Byblos, Leyde, 1981, p. 68-72.

  8.  Lactance, De la colère de Dieu, XI, 12.

  9.  Antoine Faivre, Présence d'Hermès Trismégiste, Albin Michel, "Cahiers de l'hermétisme", 1988, p. 27.

  10.  Isaac Casaubon, De rebus sacris et ecclesiasticis exercitationes XVI, Londres, 1614, p. 70-87. W. Scott, Hermetica. The ancient Greek and Latin writings which contain religious or philosophic teachings ascribed to Hermes Trismegistus, Oxford, 1924-1936, t. I, p. 41-43. Anthony Th. Grafton, "Protestant versus Prophet : Isaac Casaubon on Hermes Trismegistus", Journal of the Warburg and Courtauld Institutes (JWI), 46 (1983), p. 78-93.

  11.  A.-J. Festugière, Hermétisme et mystique païenne, p. 43.

  12.  R. Reitzenstein, Poimandres. Studien zur griechisch-ägyptischen und frühchristlichen Literatur, Leipzig, 1904, p. 248 sq. A.-J. Festugière, La révélation d'Hermès Trismégiste, t. I, p. 81-84.

  13.  Frances Yates, Giodano Bruno et la tradition hermétique (1964), Dervy, 1988, p. 21.

  14.  Festugière, La révélation d'Hermès Trismégiste, t. I, p. 84, t. II p. X-XI.

  15.  A.-J. Festugière, La révélation d'Hermès Trismégiste, t. II, 1949, rééd. 1981 : Le Dieu cosmique, p. X-XI.

  16.  Mircea Eliade, Histoire des croyances et des idées religieuses, t. 2, Payot, 1978, p. 288.

  17.  G. Fowden, Hermès l’Egyptien, Paris (Belles-Lettres) 2000.- J.-P. Mahé- P.-H. Poirier, Ecrits gnostiques. La Bibliothèque de Nag Hammadi, Paris (Gallimard, La Pléiade), 2007.- J.-P. Mahé, « Théorie et pratique dans l’Asclepius », P. Lucentini, I. Parri, V. Perrone Compagni, Hermetism from Late Antiquity to Humanism, La tradizione ermetica dal mondo tardo-antico all’ umanesimo, Turnhout (Brepols), 2003, p.5-23.- R. van den Broek, Hermes Trismegistus (Pimander 15), Amsterdam (In de Pelikaan) 2006.

  18.  Jean-Pierre Mahé, "Hermetica philosophica", apud Encyclopédie Philosophique Universelle, vol. III : Les oeuvres philosophiques, t. I : La philosophie occidentale, PUF, 1992, p. 166.

  19.  Antoine Faivre, Aries, n° 6, 1987, p. 19-20.

  20.  Pseudo-Synésios, À Dioscorus : M. Berthelot, Catalogues des anciens alchimistes grecs (CAAG), t. 2 p. 57 (en grec).

  21.  M. Berthelot, Catalogue des anciens alchimistes grecs (CAAG), t. II, p. 43 (texte grec) ; trad. : Les présocratiques, "Folio-Essais", p. 580.

  22.  Cicéron, De la nature des dieux, III, chap. 22, § 56.

  23.  Dictionnaire du Moyen Âge, PUF, Quadrige, 2002, p. 672.

  24.  Marsile Ficin, Argumentum à sa traduction du Mercurii Trismegistii Pimander (le Poimandrès, et d'autres traités du Corpus Hermeticum) en 1471 : Opera omnia (1576), p. 1836.

  25.  Frances Yates, Giordano Bruno et la tradition hermétique, Dervy, 1988, p. 208-228.

  26.  John Weston Evans, Rudolf II and his World. A Study in intellectual History. 1576-1612, Oxford, 1973.

  27.  Pierre Béhar, Les langues occultes de la Renaissance, Desjonquières, chap. VI, p. 162-200 : "Les collections de Rodolphe II"

  28.  Michel de Ramsay, Les voyages de Cyrus, 1727.

  29.  J. Brucker, Historia critica philosophiae, t. IV (1743).

  30.  S. Scarborough, "The Influence of Egypt on the Modern Western Mystery Tradition : The Hermetic Brotherhood of Luxor", Journal of the Western Mystery Tradition, vol. 1, no. Autumnal Equinox 2001.

  31.  C. H. Dodd, The Bible and the Greeks, Londres, 1935, p. 201-209.